Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


vendredi 19 février 2016

La bande dessinée est un multi-mythe voyageur.

Les aventuriers de l’éther nous montrent ce qu'est un voyageur, un vrai, un qui lâche rien.

Alex Alice, Le chateau des étoiles - La conquête de l'espace, Editions Rue de Sèvre.

Le voyageur n'a pas une vie compliquée. Il voyage. Il voit ce qui se présente. Il essaye de faire ce qu'il a à faire. Il repart. Et ça recommence.

Parfois, ce qu'il y a à faire, c'est de coucher avec une fille.

Parfois, ce qu'il y a à faire, c'est de sauver une île/ville/planète.

Parfois, ce qu'il y a à faire, c'est de sauver sa peau parce qu'on est tombé sur un géant, une sorcière, ou un dieu qui s'est levé du pied gauche.

Dans le château des étoiles, par exemple, y a une sorte de gradation dans l'exotisme :









Bon et alors, par contre, je tiens à mettre les point sur le i tout de suite, quand je parle de voyageur qui couchent, 
ça exclue évidement les récits mettant en scène des enfants, hein.


Vous mériteriez des baffes.

En tous les cas, ça, ce n'est que le prix à payer pour ce qui est la vraie motivation du voyageur : la découverte et l'émerveillement. On vient dans une endroit nouveau. On en découvre les richesses, les merveilles, la magie, les spécificités et les bizarreries. On encaisse du mieux possible les soucis que ça induit mais qui sont finalement nécessaires. Et on en repart plus grand des expériences vécues.

On croit que la Lune est un gros caillou tout sec. Et en fait non. C'est une magnifique planète avec des continents de neige. 
(Ce qui prouve d'ailleurs bien que les missions Appollo sont une grosse intox, 
puisque leur Lune reproduite en studio était super mal faite.)

C'est exactement ce qui arrive à Tintin et Haddock quand il font le tour de la moitié du globe pour retrouver le trésor de Rackham le rouge avant de SPOILER ATTENTION JE VAIS RÉVÉLER LA FIN DU BOUQUIN FAITES PAS CEUX QUI N'ONT PAS ÉTÉ PRÉVENUS avant de s'apercevoir que le trésor se trouvait en Belgique. (Je sais que je cite cette histoire quinze fois par post de blogue, mais c'est tellement signifiant de ce qui compte dans les aventures de Tintin que ma monomanie en vaut la peine : Tintin, c'est le souffle et l'appel de l'aventure ; Tintin n'est pas vraiment un journaliste, c'est un explorateur qui va découvrir les merveilles de tous les continents du globe, et jusque sur la Lune.)

De toute façon, le but du voyageur n'est pas de trouver comment rentrer chez lui, il s'en fout de rentrer chez lui, et on ne sait même plus où est sa maison. Le but du voyageur n'est pas d'arriver à bon port, mais bien de voyager, encore et toujours, pour découvrir plus de nouveautés et de beautés, encore et toujours.

Le mec est allé sur la Lune. C'est déjà pas mal. Il pourrait poser quelques RTT. Mais non. Il fonce toujours plus loin.

Cela fait de l'explorateur la forme la plus basique, la plus enfantine, et la plus positive du héros.

Basique, parce qu'on ne peut pas dire que le schéma narratif soit hyper évolué. le mec arrive quelque part, on essaye de comprendre comment ce quelque part fonctionne. On règle les soucis, et on s'en va. C'est la formule « Lucky Luke » : je viens, j’assomme les méchants, je repars, et jamais je ne rentre chez moi. D'ailleurs, on ne sait même pas où c'est.

Enfantine, parce que ce schéma renvoie au jeu le plus basique pour un enfant : on part dans le jardin, on voit ce qu'il y a, et on invente des trucs. La seule limite est notre propre imagination. (Comme la seule limite des aventures de Sinbad le marin est l'imagination de Shéhérazade, qui raconte ses aventures au sultan Shahryar).

Positive, parce que ce qui pousse tout ces personnages à continuer leur voyage plutôt qu'à planter une tente, prendre un peu de repos, et pêcher le poisson et la noix de coco façon Koh-lanta, c'est la soif de découverte. Ils ne veulent rien gagner. Ils ne veulent rien conquérir. Ils veulent explorer, découvrir, comprendre, aller de l'avant, ne rien posséder que de nouveaux souvenirs.

Il n'y a pas plus simple, il n'y a pas plus beau, il n'y a pas plus intrinsèquement humain et enfantin que l'émerveillement face à la découverte de la nouveauté.

Enfantine dans le sens : je raconte n'importe quoi en balançant trois mots savants pour faire genre je m'y connais.
Zemmour a su rester un grand enfant par exemple. Enfin, un petit enfant, plus exactement.

Et quand je dis basique, je veux dire basique, je veux dire con-con sur les bords. Parce que l'explorateur, par exemple, n'est pas du tout un inventeur (Tintin n'est pas Tournesol) : ils ne veulent pas dominer leur environnement pour mieux le contrôler ou mieux l'exploiter. Non, ils restent naïfs et ne veulent que pouvoir découvrir de nouveaux endroits, marcher / voler / naviguer / chevaucher jusqu'à la ligne d'horizon.

Hé bin non. Il y pense pas. Qu'est-ce qu'il est con, ce scientifique !

Ceci dit, faut quand même pas déconner, le héros voyageur n'est pas un simple abruti qui possède un permis bateau (où à qui ses parents on offert des cours de poneys quand il était petit). C'est un explorateur dopé à la nouveauté. Qui préférerait mourir plutôt que de ne pas vivre une nouvelle expérience (comme Ulysse s'attachant au mât de son bateau pour pouvoir entendre le chant des sirènes).

Il donne par là la recette nécessaire pour vivre une belle aventure : la ténacité, la curiosité, le courage, et l'optimisme.

Quoi qu'il arrive à notre héros, il ne lâchera rien, il ira toujours de l'avant, parce qu'il est persuadé que, à l'avant, l'attend des merveilles. Et la vraie qualité, la vraie morale du héros voyageur, se trouve là : c'est bien beau d'avoir une soif de découverte (on l'a tous, finalement), mais si elle ne s'accompagne pas d'un courage en titane, ça ne va pas mener à grand chose (au passage, on peut voir ici un parallèle avec les vrais découvreurs, de Christophe Colomb à Louis Pasteur : ce ne sont pas tant les plus curieux que les plus têtus qui arrivent à faire avancer les choses).

Les parents construisent les vaisseaux. Les enfants les utilisent pour faire de la grimpette sur la Lune. 
Pas plus compliqué que ça.

Et c'est ce courage qui définit, "héroïse" et permet d'admirer le héros. Il lâche rien. Bravo champion. C'est une vraie tête de pioche au caractère souvent ronchon, qui choisit une ligne et de ne pas en dévier. Ce courage qu'il possède, c'est celui qui nous manque (et qui manque souvent aux autres personnages autour de lui) pour que nous devenions nous-même le nouveau Jean-Louis Chrétien.

Comme personne ne lâche rien, du coup, tout le monde s'engueule.

C'est cette ténacité qui est mise en scène en tant que moteur du récit et point de comparaison par rapport au lecteur.

D'ailleurs, le récit du héros voyageur est quasiment toujours réflexif. Dans tous les sens du terme.

Réflexif parce qu'il nous offre un miroir de nos propre vies (Ulysse n'est que l'exemple à suivre pour avoir une belle vie à notre petite échelle : curiosité et ténacité les gars, faut y croire, on va y arriver, et si ça peut sourire, vous vivrez des trucs fantastiques (ou au moins différents des embouteillages à sept heures du matin, des élections récurrentes voyant l'avènement d'un pouvoir fasciste, ou des informations présentées par David Pujadas).

Merci à l'auteur de surligner la thématique générale du récit de voyage (trois fois) (et au stabilo rose).
C'est plus pratique pour moi, ensuite, de trouver des illustrations cohérentes à mon propos. Sympa.
(Bonc, ok, c'est piqué à Chesterton, mais, bon, ça claque quand même, comme répartie.)

Réflexif parce que cet aspect « exemple pour les nuls de ce qu'il faut faire dans la vraie vie pour vivre des trucs cools » prend souvent un peu de recul avec son idéalisation (on peut pas tous être reporter au petit vingtième ou cow-boy-qui-tire-plus-vite-que-tout-le-monde-et-même-son-ombre) en mettant en scène son propre récit.

C'est le cas de l'Odyssée, dans lequel les aventures d'Ulysse sont toujours racontée de seconde main (on n'assiste jamais aux aventures en elle-mêmes, mais à un mec qui raconte ce qu'il s'est passé ailleurs, alors qu'il été le témoin d'une de ces fameuses aventures).

C'est le cas dans Les mille et une nuits, qui sont la collection de différents contes racontés par Shéhérazade pour sauver sa tête.

C'est même le cas chez Lucky Luke, puisque j'y pense, qui confronte sa vision ironico-parodique à la réalité de l'ouest américain. (Les récits de Lucky Luke partent souvent de personnages historiques iconisés (Jesse James, le juge Roy Bean, Calamity Jane), pour les faire descendre de leurs piédestal).

Et pour Tintin... pour Tintin... Euh... Pour Tintin j'ai un très bon argument comparatif, mais je vous le donnerais pas, parce qu'il est un peu long et que je voudrais pas vous ennuyer, je suis comme ça, je suis gentil et il se fait tard.

Ouais bin pour Tintin, je sais pas, mais, là, pour le château des étoiles
y a plein de récit façon journal intime dans tous les coins, donc vous allez arrêter de me gaver.

SI JE RÉSUME.

Nous avons un récit :
  • Réflexif.
  • Dont le but n'a pas d'importance.
  • Dont les péripéties ne sont qu'un moyen de découvrir et s'émerveiller face au monde.

Un récit organisé dans tout ses compartiments pour nous permettre de faire un parallèle (aspect réflexif) avec notre vie (la fin importe peu) et de réfléchir à notre place dans le vaste monde (découvrir et s'émerveiller).

AU FINAL.

Le récit de voyage est une des forme les plus basique de récit parce qu'elle offre un des meilleurs cadre à l'identification : le voyageur ballotté par les flots et les avanies de la vie, c'est nous. Et la clef de son succès sera aussi la notre : la ténacité.

ET COMME LE DISAIT TENNYSON DANS SON POÈME ULYSSE (ET DANS JAMES BOND - SKYFALL) :
Et si nous avons perdu cette force   
Qui autrefois remuait ciel et terre,   
Ce que nous sommes, nous le sommes :   
Des cœurs héroïques et d'une même trempe,   
Affaiblis par le temps et le destin,   
Mais forts par la volonté    
De chercher, lutter, trouver et ne rien céder.


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