Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


lundi 25 février 2013

La bande dessinée est une île mouvante.

Juste en passant, et en attendant le prochain billet, une petite mise au point.

« La bande dessinée est une femme qui marche. », « La bande dessinée est un homme qui danse. », « La bande dessinée est un plat de spaghettis. », « La bande dessinée est un gros monsieur avec un nez rouge, qui marche sur les mains et qui dit pouêt. ».

Ça devient un peu n'importe quoi toutes ces définitions à deux balles. Faudrait savoir : soit c'est l'un, soit c'est l'autre. On ne va pas inventer une définition à chaque fois !

Eh bin pourquoi pas.


Dylan HorrocksHicksville, Drawn and Quaterly & L'Association (avec l'aide de Monique Laxalt et Jean-Yves Duhoo).


Le problème d'une bande dessinée, c'est qu'elle peut avoir un but très différent de sa voisine. Il y a des bandes dessinées qui sont des représentations de l'univers. Il y a des bandes dessinées qui sont un message à faire partager. Il y a des bandes dessinées qui se vouent à la description de quelque chose de précis (un objet, une idée, un état, une émotion). Il y a des bandes dessinées qui veulent raconter au mieux une histoire. Il y a des bandes dessinées qui veulent raconter, avec les moyens du bord, la plus belle des histoires. (Non, ce n'est pas la Bible.) (Non, ce n'est pas non plus le Coran.) (Non, ce n'est pas non plus... bon, flûte.)

J'en oublie donc, et des tonnes.

Rébétiko, par exemple, est à cheval entre à peu près tout ce qui vient d'être cité. Zha et Claveloux essayaient de communiquer un sentiment assez précis d'étrangeté, d'inconfort et de curiosité. Bilal, ce qui lui importe le plus, c'est de décrire au mieux sa vision du monde. Fred veut construire la bande dessinée la plus libre possible. Blueberry est un modèle de bande dessinée efficace (avec tout ce qu'on met de mépris dans ce terme), inscrite dans un genre, et qui a su transcender cette mise de départ par l'art qui y a été développé et par le message qui y a été perverti, enrichi, et plein de mots en « i ». Les murs de cette bande dessinée ont petit à petit été repoussés. La nature de ce qu'était Blueberry a elle-même été redéfinie plusieurs fois, au fur et à mesure de l'évolution des auteurs.

Ainsi, il existe presque autant de bandes dessinées que de buts à une bande dessinée. Et, très logiquement, pour dire quelque chose de différent, il faut utiliser des règles, des idées, des conceptions, des approches différentes. 

Ce qui est très facile au final, puisque chaque auteur apporte sa vision de tout ce pataquès avec lui : il observe le champ des possibles de ce que peut être une bande dessinée et y choisit ce dont il a besoin et ce qui le séduit. Cette vision se modifiera, à coup sûr, pour chaque auteur comme pour chaque lecteur, au cours de sa vie.

Parcourant cet océan des possibles, la bande dessinée est, pour chacun de nous, une île mouvante.




vendredi 22 février 2013

La bande dessinée est là pour s'amuser.

Fred nous explique qu'il est tellement fort qu'il fait bien ce qu'il veut, quand il veut, et que c'est précisément ça qui rend ses bandes dessinées vivantes.

Chagnaud et Fred, L'histoire du corbac aux baskets, Dargaud.

A la base, Fred est connu pour être un  grand spécialiste des critiques du genre « mon fils peut le faire, et en mieux », « ce Picasso est accroché à l’envers et on s’en tape », « c’est moche ». (Une sorte de Reiser, mais qui dessine des contes de fées.)

Alors, donc, bon, bien sûr qu’il n’est pas moche, le dessin de Fred. Mais surtout, je ne pense pas que ce soit tant le dessin qui puisse désarçonner les lecteurs que la manière qu’a Fred de raconter une histoire. Parce que dans ce cadre, Fred, il fait un peu tout ce qu’il veut quand il le veut. Et c’est peut-être ça qui désarçonne (plus que le non-académisme du bazar) : le fait qu’on ne sache pas bien où se trouve Fred, puisqu’il est partout.

Il peut par exemple définir deux personnages, et prendre soin de les schématiser.

 Une boule avec un nez pointu, un cube avec un chapeau pointu.

Alors si on voit ça, on se dit « Ok, d’accord, c’est parti pour des personnages définis par leurs fonctions… ».

Mais en fait non.

Fred est beaucoup BEAUCOUP plus intelligent et nous combine des tas de couches, des tas de fonctions, des tas d’effets dans la même case. Et il les utilise tous à bon escient, sans qu’aucun ne parasite l’autre.

Narration schématique : les deux personnages sont incarnés par leurs masques.

 
Narration underground-indé-fou-fou : transition entre deux cases dans le même dessin, le personnage continue son dialogue, mais du temps a passé entre ses deux représentations

 
Rien à faire de la narration : pur plaisir plastique du dessin.

 
Rien à faire de la narration, mais quand même : pur plaisir plastique + dessin signifiant (le corbeau, il est blasé).

Fred ne renonce donc à rien : il se permet de raconter une histoire de manière rigoureuse, inédite, inventive, graphique, rythmée, belle, fermez le ban, on n’en peut plus. Et on n’a fait qu’une case. Qui n’est même pas dans la planche du début.

Si on prend cette case par exemple :

 C’est mal rangé, c’est mal dessiné, ce Fred ne fait rien pour attirer la sympathie.

Bin ça paye pas de mine. Et pourtant (vous y avez cru, hein, que j’allais dire du mal)… On y trouve tellement de génie laudatif que ça donne le tournis.

On a donc, dans le désordre:

1.   Des purs plaisirs de graphiste, en variant les tons : tous les éléments sont dessinés différemment : les feuilles de papier, les livres au premier plan, la bouteille cachée derrière le phylactère, la poupée à côté, le mur du fond ; c’est à chaque fois une manière de dessiner différente (des gribouillis, des hachures, des gros traits, des traits fins, des surfaces remplies ou laissées vides).

Tous les éléments se distinguent déjà par leurs traits.

ALERTE : PROCÈS D’INTENTION, « ON SE MET DANS LA TÊTE DE L’AUTEUR ET ON FAIT SON CUISTRE ».

On s’imagine bien Fred devant sa feuille se dire « Oh bin là, je vais dessiner ça comme ça. Et dans ce coin, je mets quoi ? Une bouteille ? Bin d’accord. Et comment je la dessine ? Bin, je sais pas moi ! Qu’est-ce que j’ai sur la table pour faire cette bouteille ? Bon, bin ça, ça suffira bien. » Etc. Etc. Il varie les plaisirs, quoi. Ce qui amène une image visuellement très riche. Parce que chaque dessin, chaque graphisme, donne une identité propre à chaque objet qui ressort ainsi de l’image. Le bazar est donc à la fois très bien rangé (grâce aux simples traits de Fred) mais également très vivant (l’image est variée, pas du tout ennuyeuse). En s'amusant à dessiner, il nous entraîne à nous amuser à lire.

2.   Une narration « sur-signifiante » pas laissée en plan. La case parle de toutes les pages déjà remplies et on voit toutes les pages déjà remplies. C’est incroyablement basique mais l’effet d’exagération, la montagne de feuilles, permet d’appuyer le propos à bon escient, d’identifier le sujet, de guider le lecteur dans le discours du personnage. La case est bien fichue, mais elle n’est pas gratuite. D’ailleurs, Fred utilise cette narration par l’évidence dès qu’il le peut. On parle de quelque chose ? Il le montre. Cela permet de ne pas tourner autour du pot et de changer rapidement de sujet. Le sujet est énoncé, utilisé et traité en une case. Pas la peine d'une seconde case pour peaufiner. La seconde case sera bien utile pour parler d'autre chose.

Allier le discours et le dessin ? Il peut le faire.

3.      Et un peu d’expressionisme par-dessus le marché (tout en subtilité).

Le message subliminal caché au fond de l’image : l’ambiance est à la tristouille.

Je sais pas si vous vous rendez compte, mais on en est à deux cases de décortiquées (et en survolant), et on a déjà brassé plus de qualités que dans un album de CENSURECENSURECENSURE. C’est assez ébouriffant.

Pas convaincu ? Une troisième case peut-être, alors ?

 Concentré de qualités.

On a donc une image très composée, graphiquement classe qui fait ressortir le sujet de la case. (Alors que bon, hein, on peut pas dire que je choisisse les cases les plus « faites à l’épate » qui soient.)

 Composition qui centre le dessin sur le visage du personnage en foutant tout le reste dans des masses de noir.

Mais, en plus, les masses de noirs ne sont pas plaquées bêtement autour du visage. Comme dans la deuxième case étudiée, Fred se demande « Bon alors, comment je vais remplir tout ça, moi ? » et il le fait en variant sa palette. Nous avons :

-          Un aplat de noir (dans le coin haut gauche).
-          De gros traits (autour du visage, des lunettes, des oreilles) qui rejoignent le fond.
-          Une barbe en poils de balais hirsutes.
-          Une veste sombre (marron).

Là encore, ce n’est ni gratuit (cela isole les différents éléments et donne de la profondeur à une case qui ne se résume pas à deux yeux), ni fortuit (cela varie les traits, varie le plaisir du dessinateur et du lecteur qui explore cette case jamais pareille, jamais sclérosée, jamais coincée dans un système, toujours vivante).

C’est esthétique, instructif, narratif, et vivant. Rien que ça.

PARCE QU’IL FAUT BIEN CONCLURE

Pour rester libre, inattendu, éveillé, Fred est sans cesse en mouvement. D’une case à l’autre (et dans une même case) le trait est épais ou fin, détaillé ou schématique. Le dessin lui-même est parfois « descriptif », « symbolique » ou « expressionniste ». Comme on veut.

Ce qui ne veut pas dire que Fred fait n’importe quoi, hein. Puisque TOUTES ses cases ont une composition soignée, qui encadre le sujet, libère le dessin, fait reconnaître tous les objets.

 La composition utilisée pour exprimer un sentiment ou isoler les objets. Ou les deux.

Au final, c’est l’expression, le sentiment, la sensation qui prévaut. Pas grave si on bouge un peu le mobilier entretemps, ce qui compte c’est que l’on comprenne bien ce qui se passe – disons – émotionnellement dans la case. Chaque dessin a un but précis (transmettre une émotion) qu’il convient d’énoncer clairement (quelle émotion), sans s’embêter avec les coins de tables. Un dessin mouvant pour avoir plus d’impact, plus de beauté.

Très bien identifiés, ces sentiments peuvent varier très vite d’une case à l’autre. Une fois qu’ils sont traités, Fred ne revient pas dessus, c’est l’efficacité maximum (les pages, la pensée, le crayon ne sont mentionnés qu’une fois). L’objet décrit varie très rapidement. Le rythme de la planche est lui-même précipité, changeant, vivant.

Bref, Fred utilise toute la palette, mais alors TOUTE TOUTE, pour varier, s’amuser, vibrer, vivre dans son dessin. Et plus que tout, c’est cette vie, toujours changeante, toujours incertaine, que nous guettons et recueillons case après case.

vendredi 15 février 2013

La bande dessinée est un plat de spaghettis.

Charlier et Giraud sont bien d'accord que la planche, c'est important, mais alors par contre l’équilibre, le zen, tout ça, très peu pour eux. Eux, ils veulent de la vie.

Jean-Michel Charlier et Jean Giraud (couleurs de Evelyne Tran-Lê ?), 
Blueberry – Nez Cassé, 
Dargaud

Au début de Blueberry, il y a l'envie de faire un western. Un western tout ce qu'il y a de plus classique, s'inspirant de John Ford, de Howard Hawks et de tous les grands anciens.

On voit donc apparaître, au fur et à mesure des aventures du héros, des personnages comme McClure, inspiré de Stumpy, un personnage croquignolet du film Rio Bravo réalisé par Hawks ; ou Chihuhua Pearl, inspirée de Chihuahua (jusque-là, c'est cohérent), un personnage qui apparaît cette fois dans La poursuite infernale de Ford.

UNE POSE EXPLICATION POUR DÉBUTANT.

Giraud est connu sous plusieurs identités : celle de Jean Giraud (ou Gir), sous laquelle il a principalement dessiné les aventures du lieutenant Blueberry ; et celle de Moebius, sous laquelle il a écrit des aventures de science-fiction existentiallo-introspectives.

Bien plus tard, après la mort de Charlier, Giraud se prendra en main tout seul comme un grand et tentera une sorte de méga-fusion de toutes les influences possibles dans le cycle « Mister Blueberry » en mélangeant :

  • Un retour aux origines classique du western (« Mister Blueberry » s'inspire entre autres de la chevauchée fantastique – toujours de Ford – et se passe durant le fameux duel à OK Corral, qui a inspiré tout un tas de films, et notamment – surprise – le fameux La poursuite infernale).
  • Un nouvel approfondissement du personnage principal (on en apprend de belles sur sa jeunesse, sa psyché, son rapport aux indiens).
  • Un pervertissement général de la série, le dessin et l'approche de Giraud fusionnant avec celle de Moebius, pour donner à la bande dessinée une ambiance plus autobio, plus personnelle, plus interne. Le désert dans lequel avance Blueberry devenait alors une sorte d'extension du désert B qu'explorait Moebius.

Mais pour l'instant nous sommes encore en 1980, Charlier tient bon la barre. Il créait avec Giraud les aventures de Blueberry depuis une bonne quinzaine d'années (enfin, bon, en 80, ça fait 5 ans qu’ils ont rien foutu, mais bon, Nez cassé est le grand retour du héros au nez cassé), et il a su faire évoluer son personnage et ses péripéties. Cette évolution répond à des tas de contraintes et je serais bien en mal de savoir lesquelles ont été les plus fortes (c'est la fête aux énumérations, aujourd'hui, dites donc) :

  • Faire un western qui se démarque du tout-venant pour en faire une vraie bonne bande dessinée, une œuvre, quoi.
  • Faire une bande dessinée qui colle également à l'air du temps, et, c'est sûr, quand son héros est un joli tunique bleue à raie sur le côté et que mai 68 arrive, il faut bien changer tout ça : il deviendra donc rebelle, parmi les indiens, dans le désert.
  • Faire un western qui tient compte du genre et donc pourquoi pas de l’apparition des westerns spaghettis (personne ne parle jamais des westerns choucroute, je me demande bien pourquoi).
  • Il paraît que les meilleurs scénaristes vont vers leur dessinateur, Charlier, en tout bon scénariste qu'il est, va donc vers les intérêts de Giraud (qui se baladait pied nus façon baba cool dans les rues de Paris ou allait se dorer le cuir à Tahiti avec les Izo-Zen).

La bande dessinée de Blueberry trouve donc son chemin dans toutes ces envies contradictoires qui enrichissent et complexifient les récits.

Cela se voit bien sûr dans les histoires (celles d'un marginal du côté de la morale et non pas de la norme – ce qui rejoint le néo-western (ou plutôt le revisionist western, mais bon, là, ça devient pointu), le western spaghetti, et les aspirations de Giraud). Cela se voit itou dans le dessin (très détaillé) qui permet de rendre un monde imparfait de manière très subtile, un monde qui n'est pas lisse, dans lequel les murs sont décrépis, les costumes râpés, les caleçons pas au top de leur forme, les personnages plus ridés que de raison. Comme le récit lutte contre ses propres contraintes, comme le héros lutte contre ses pairs, le dessin va donc lutter contre le western classique, classieux, épuré, en saturant les cases et les planches.

UNE POSE EXPLICATION POUR MOI MÊME.

Je ne suis pas un grand spécialiste des auteurs et j'ignore donc complètement comment le couple Charlier/Giraud fonctionnait, surtout en 1980. S'il faut, à cette époque, Giraud avait phagocyté Charlier. S'il faut, à cette époque, Charlier retenait Giraud prisonnier dans sa cave en lui faisant pousser des petits cris d'animaux. Nous parlerons donc dans cette critique des « auteurs », un terme tout ce qu'il y a de plus œcuménique. Revenons à nos moutons.

LA CRITIQUE COMMENCE POUR DE VRAI.

De fait, chaque case est remplie à ras bord, sans aucun espace pour respirer. Même quand le désert apparaît, c'est dans une case toute biscornue, sans appel d'air, avec des buissons, des rochers et des personnages parasites.

Les premières cases sont un bien bel exemple de cette volonté, puisqu'on y fout tout ce qu'on peut (15 personnages dans la première case ; 18 dans la troisième ; on fait difficilement plus chargé) (et c'est sans compter les décors, les maisons, les bornes, les chevaux, les chiens). Dans la première case, les personnages discutant entre eux (le sujet de la case, quoi) sont en tout petit, au fond, sur l’extrême droite. Dans la troisième case, le personnage qui parle est lui aussi au second voire troisième plan, dans un coin de case.

Tentatives des auteurs d'être le moins intelligible possible.

Il s'agit de parasiter la manière classique de construire des bandes dessinées. Au lieu de dessiner tranquillement des gros plans sur les protagonistes, on la meuble avec des tas d'actions annexes et accessoires. On donne ainsi un rythme différent à la case (ce n'est plus un simple dialogue pépère). On la dynamise. On parasite aussi son message. Le lecteur ne se concentre plus simplement sur les dialogues mais est également attiré par tout un tas d'autres éléments, d'actions, de personnages. La bande dessinée échappe ainsi à sa bête fonction de raconteuse d'histoire pour devenir beaucoup plus vivante. Le sujet, ce n'est plus vraiment le récit, mais le bordel qu'il y a dans ce récit, la vie qu'il y a dans ce récit.


Tentative réussie.

Comme disait Pierre Bonnard : « il ne s’agit pas de peindre la vie mais de rendre vivante la peinture ». Eh bien c'est exactement ça : faire une bande dessinée vivante de par son foisonnement. Il ne s’agit pas de décrire précisément un objet. Il s’agit de donner le plus de choses à voir, en les faisant sans cesse varier. Ce n’est pas grave si c’est outré. Il faut que ça bouge, que ça fourmille, que cela change sans arrêt. Que, dans la planche, le regard se perde, que le lecteur soit chahuté. Il ne faut pas forcément que ce dont on parle soit vivant, mais il faut que la manière d'en parler soit vivante.

Blueberry – Bonnard : le cadre-décadré-dans-le-cadre, une idée qui progresse.

Mais nous sommes en bande dessinée (j'espère que vous suivez jusque-là), et il ne s'agit pas seulement de rendre vivante chaque case, mais de rendre également vivante la page entière. Comment ? Eh bien avec la même méthode que pour chaque case : foutre le bordel ; le grand jeu étant ici de rendre le découpage de la planche le plus compliqué/pourri possible. Cela donne visuellement un aspect brindezingue (comme le sont les personnages), fouillis, vivant (comme le sont les cases) et inattendu (comme l'est le récit).

Si ce n'est pas fouillis, je ne sais pas ce qu'il vous faut.

(Alors, donc, nouvel aparté, le récit est inattendu, et c'est bien là tout le talent « des auteurs » : rendre le récit lui aussi vivant, accordant la tonalité globale du livre à celle d'une planche et même d'une case. Malheureusement, ce n'est pas tellement le but de cette critique et il va nous falloir revenir à la description plus réduite de la planche.) (C'est reparti.)

Dans cette page, le sujet change lui aussi, et de manière anarchique. Deux sujets se chevauchent même carrément dans la dernière case.

Je vais vous parler de ça. Oh et puis non, plutôt de ça. Attendez ! J'ai changé d'avis...

Dans cette page, les cases débordent littéralement les unes sur les autres, sans gêne, parasitant même la lecture (on serait presque tenté de lire la quatrième case avant la troisième).

Qui empiète sur qui ?

À noter quand même que les auteurs savent ce qu'ils font. Ce n'est pas que du gros bordel incontrôlé pour faire style. Quand il y a un risque réel de saturation de l'image, pouf, ils glissent dans la planche une légère aération avec une case à bords perdus (celle en bas à droite, là, juste au-dessus).

La logique, pour faire respirer la planche, aurait été d'épurer le décor. Mais cette logique ne colle pas avec le reste de la démarche de la bande dessinée (surcharger les images). Comment s'en sortir alors ? Tout simplement en ne mettant pas de décors du tout. On reste fidèle à sa philosophie tout en équilibrant la planche. Qui se poursuit donc de la même manière.

La vie trouve toujours un chemin.

Dans les dernières cases, on a donc :
  • Des cases qui se chevauchent.
  • Des cases qui se chevauchent ET qui changent de sujet.
  • Des cases qui se chevauchent, qui changent de sujet ET qui sont anarchiques (un cheval et son cavalier se font couper le sifflet par une autre case).
  • La saturation des espaces (avec des buissons, des rochers, des chemins caillouteux).
  • La multiplication des personnages qui servent à pas grand-chose.
  • La multiplication des personnages qui servent à pas grand-chose sinon à donner de la vie par le mouvement de leurs chevaux.
Dans toute cette construction, le fond rejoint la forme. S'il s'agissait au départ d'introduire une certaine vie dans des personnages classiques, l'aspect plastique de la planche est venu aider cette démarche, puis transcender tout le bazar ; les personnages donnant vie au récit et le récit donnant vie à la bande dessinée en elle-même.

Ce qui donne une œuvre qui respire, qui vibre dans nos mains.

samedi 9 février 2013

La bande dessinée fait la planche.

Bilal nous explique que, lui, les cases, ça le saoule, et qu'il préfère travailler une page complète.

Enki Bilal, Le sommeil du monstre, Les humanoïdes associés.


Le sommeil du monstre, c'est particulier quand même...

Il faut dire qu'il n'a pas été réalisé de manière classique. Bilal a dessiné / peint / créé / généré-du-plus-profond-de-son-âme chaque case séparément. Une fois toutes les cases finies, il les a ensuite agencées, regroupées, sur différentes planches.

L'avantage de cette méthode pour Bilal a été que :
  • Il a pu dessiner chaque case à la taille qu'il voulait (s'il voulait faire une case en 4 par 3 et ensuite la réduire, il le pouvait) (folie des grandeurs).
  • Il a pu dessiner chaque case quand il le voulait (pas forcément de manière linéaire).
  • Il a pu dessiner chaque case avec la composition qu'il voulait, sans se prendre le chou avec les autres cases environnantes, sans tenir compte de ces fariboles de femme qui marche ou d'homme qui danse, non mais, c'est quoi ces conneries.
La légende veut d'ailleurs que ces cases n'aient pas été réfléchies pour s’emboîter efficacement sur chaque planche (qu'il n'y avait pas de brouillon de planche) et qu'au final c'est vraiment un gros coup de bol une sacrée preuve du talent de Bilal que tout se combine si bien. M'enfin je trouve quand même que c'est un peu me prendre pour un jambon. Je sais pas vous...

 L'art du papier découpé.

En regardant la planche de plus près, on peut d’ailleurs remarquer que, pour certaine cases, le rebord est plus épais d’un côté que de l’autre, tout simplement parce que la case a été plus grossie pour lui permettre de rentrer dans la composition. On remarque aussi que les bords des cases ne sont pas complètement alignés (ohlàlààà, ça déborde, c'est mal faiiiiit). Et Bilal rajoute même les phylactères à la fin en truc informatique tout moche, sans y avoir réfléchi en amont, pour ne pas interférer avec la création de l’image.

Donc, à priori, ici, la méthode de Bilal s’oppose complètement à la manière classique de réaliser une bande-dessinée. Et pourtant ça marche quand même ! Quelle histoire !

Ça marche parce que Bilal ne réfléchit plus en termes de continuité de case. Ce n'est plus vraiment une bande de dessins à la queue leu leu. Il ne réfléchit plus au récit, à la narration, et à  son impact général sur le lecteur. Il a d'ailleurs bien raison de le faire puisqu’une des qualités principales de Bilal, c'est son inventivité poétique. Poésie qui est beaucoup plus difficile à faire passer quand on réfléchit à la construction d'une planche (ça interfère avec l'inventivité) (alors autant s'en foutre).

Calcul facile : Inventivité + Poésie = Inventivité poétique.

Dans cette première case, Bilal peut rajouter de petites et intrigantes bizarreries, les plaçant là où il faut pour équilibrer l'image, sans se soucier de la construction générale de la planche. Il n'est pas parasité par des enjeux annexes et peut se focaliser complètement sur son image pour donner le meilleur de lui-même (vas-y champion !)... D'ailleurs, côté parasitage / planche / continuité, il ne se foule pas trop, le bougre.

Une bande dessinée ludique, un jeu des sept erreurs intégré.

Alors là ! Bravo la continuité. Ha bravo ! Bon. Il faut reconnaître qu'on peut donner raison à Bilal : ces différences n'interfèrent pas dans la lecture, ne sortent pas le lecteur du livre, et, en plus, elles rendent l'image meilleure. En travaillant case après case, Bilal enrichit chacune d’elle avec beaucoup de traits et de recherches (des détails qui font, au final, très œuvre), un plaisir du dessin manifeste, travaillant l’ambiance, la sensation, plutôt que le récit / la narration / l’art séquentiel à soupapes inversées. Et c'est bien le but recherché (par Bilal) (sur cet album).

Le retour de David (pas lui, l’autre).
Les grandes cases de Bilal utilisent une composition « classique »,
 ne favorisant pas la narration mais la contemplation.

Ce n'est pas tout... Envisager les cases les unes après les autres, se faire suer à les fignoler, amène également à vouloir les mettre en valeur. Donc les mettre en grand sur une planche pour qu’on puisse bien les admirer (pas la peine de passer trois jours sur une case si c’est pour la faire en 3 cm² dans un coin de page).

Ainsi, Bilal a été conduit au fur et à mesure de ses bandes dessinées à réduire petit à petit le nombre de cases contenues dans une seule planche. 

Cinq cases pour une planche (comme ici), c'est relativement peu. Les auteurs tournent en général à huit ou neuf. Certains montent à un bon quinze de moyenne (Oui, Jean-David Morvan, je pense à toi et à tes pauvres amis dessinateurs qui perdent la vue à dessiner dans des toutes petites cases, les pauvres choux).

On arrive là au point intéressant de cette démarche :

Moins de cases = moins de choses à raconter en une page = une action qui se modifie moins vite = en une page, il se passe moins de choses, il s’écoule moins de temps = les personnages semblent plus en suspens = l’ambiance est plus contemplative = on soigne l’ambiance / les personnages = on se désintéresse de la narration = on fignole les cases pour que transparaisse l’ambiance = on met en valeur les dessins = on fait de plus grandes cases = on place moins de cases sur une planche = moins de choses à raconter en une page = une action qui se modifie moins vite = ... et patati et patata…

On obtient donc un cercle vertueux, un système cohérent.

En plus, du point de vue du lecteur, réduire le nombre de cases mène celui-ci à avoir directement une vue d'ensemble de la page de bande dessinée. Plutôt que de suivre le fil des cases, on se prend de grandes images dans les mirettes. On n’a pas à détailler une action très segmentée, mais plutôt à comprendre l'aspect général de la planche. 

De fait, Bilal (je me répète) ne s'intéresse pas à l'action (et il fait bien), et n’a donc pas besoin que le lecteur détaille précisément, avec un rythme précis, le récit.

Intériorité : beau gosse.

Action : mal fichu, on comprend rien.

Une bande dessinée ludique, suite :
Reconnais la case avec de l'action ratée dedans.

Puisqu'il s'intéresse à cette intériorité, ses personnages vont rester assez statiques (ils ne sont pas pris dans l'action, mais plutôt dans une introspection personnelle) et commencer à discuter. Et parce qu'ils discutent, l'auteur malin aura tendance à faire de grandes cases calmes pour laisser la situation s'installer. De grandes cases qui laissent le lecteur se plonger dans les personnages.

Zen.

Au final, chaque case permet de montrer un aspect différent de la scène, de la relation entre les personnages, de l'état même dans lequel se trouve chaque personnage. De toute la planche, la scène n'évolue pas. Mais la description de la situation, de leur relation, s’approfondit. Nous connaissons de mieux en mieux les deux personnages représentés, dont Bilal réalise un portrait. Comme ceux-ci ont plusieurs facettes, il a simplement besoin de plusieurs cases.

Comme un portrait cubiste réalisé avec les moyens de la bande dessinée.

dimanche 3 février 2013

La bande dessinée est un homme qui danse.

Prudhomme nous explique que la construction d'une case, bon, oui, d'accord, à la limite, mais que lui voit les choses un peu autrement, en utilisant le dessin différemment.

David Prudhomme, Rébétiko (la mauvaise herbe), Futuropolis.

Donc, la bande dessinée est une femme qui marche. Certes.

Ce serait bête de se priver d'un si magnifique schéma.

Une case doit rappeler la case qui la précède (pied en arrière), appeler la case qui la suit (pied en avant) et être légèrement incomplète (corps en déséquilibre) pour donner envie au lecteur de continuer sa lecture, d'aller de case en case.

Pour obtenir ce déséquilibre, les auteurs, la plupart du temps, utilisent une case incomplète ou déséquilibrée dans sa construction. On a l'impression qu'il manque quelque chose. Soit une partie d'image, soit une partie du sujet, soit une partie de l'action. Et cette partie manquante, on va la chercher dans la case suivante.

Bien.

Dans Rébétiko, David Prudhomme tente quelque chose de différent.

La composition de ses cases est très soignée. Il y fait de beaux dessins, bien construits en se disant bien nettement et bien fort « Flûte la bande dessinée, moi je fais des trucs super classes. ».

Une composition chiadée.
Un sujet, un vide, des pierres apparentes pour faire chic (et pour équilibrer l'image).

Il introduit ce fameux déséquilibre, cet envie d’aller à la case suivante, non par la composition de la case (un appel vers quelque chose, une direction, un manque d'information, une étrangeté) mais par le mouvement généralisé de son dessin. Tout bouge dans ses cases. Tout est incertain. La case (sa composition) n’est plus une femme qui marche. Mais les personnages (le contenu de la case) sont des hommes qui dansent.

Dans le première case, par exemple, même quand les personnages sont fixes, ils ne le sont pas vraiment : tel personnage (à droite) est en train de se lever ; tel autre (à gauche) anticipe son mouvement en écartant les jambes (il s'appuie sur son genou tel Marie-José Pérec le 6 août 1992, ce qui ne nous rajeunit pas) ; le dernier est encore le plus statique, mais a déjà soulevé sa jambe gauche et mis un pied à terre pour se relever. Aucun n’est en position de repos et aucun n’est en position active. Ils sont en mouvement, en suspens, en cours de…

 D'accord, on se lève, mais faudrait pas se froisser un truc non plus.

Aucun de ces personnages n'est donc à l'arrêt. Mais aucun de ces personnages n'est placé non plus dans une position exacerbée : ni assis, ni totalement debout, ni en pleine course, ils sont en transition. S’ils étaient statiques ou en pleine action, le dessin serait fini, stable, déterminé. On serait prêt à passer à la case suivante. Ici, le mouvement est en cours de… Il nous place dans une incertitude, une incomplétion. La case n'a plus besoin d'être ce fameux corps en déséquilibre. Les personnages eux-mêmes le sont.

Ce truc de grand malin très doué se reproduit plus ou moins à chaque nouvelle case. Dans la deuxième, par exemple, tous les policiers sont pris dans le mouvement. Ni en appuis, ni en réception, sans impulsions, mais simplement en l'air, en suspens.

 
Tel Noureev en plein saut.

Aucun des personnages de cette case n’a accompli son geste (une simple course). Le lecteur est ainsi poussé à compléter leurs actions. A imaginer la course complète.

Admirez celui des gendarmes avec le bras et la jambe pliés. On ne sait pas bien ce qu'il veut faire, mais en tout cas il a déjà commencé. A nous d’imaginer la suite.

Tous, ils sont en train d'avancer et leurs positions un rien trichées (essayez de courir avec le genou tout droit, allez-y, je vous regarde), alliées à leurs ombres portées permettent de les voir voler, flotter, et communique cette impression de flottement, de mouvement, à toute la case.

ALERTE : COMPLÉMENT AU BRISAGE DE RÈGLE.

Nous avions vu précédemment qu'il était important de tenir compte du sens de lecture d'une bande dessinée (de gauche à droite). En complément, nous avions précisé que, si un personnage allait de la droite vers la gauche (comme ces gentlemen policiers), une impression de « ne pas aller dans le bon sens » se dégagerait. Et justement, ici, la position des policiers, leur action (nuire aux héros), leur course, paraissent bien éloignés des personnages de la case précédente. Pour tout dire, on a l'impression qu'ils pataugent dans la semoule et qu'ils sont bien loin de pouvoir attraper nos héros. (Enfin, je dis ça, mais s'il faut, vous avez l'impression toute opposée. N'empêche, moi et ma sincérité, nous avons cette impression.) De fait, Prudhomme utilise la règle du sens de lecture pour souligner la nonchalance des héros et l'aspect décontracté de leurs aventures (c'est quasiment le thème du livre). Ils voient l'arrivée des policiers d'un œil sinon endormi, au moins goguenard. Et ils ont bien raison, puisque les policiers semblent loin, pataugeant et inoffensifs.

La différence entre la Bordurie et la Grèce.

Alors attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Bien sûr, Prudhomme n'est pas le seul à décrire des personnages en mouvement. Mais il prend soin de ne pas les dessiner dans des positions extatiques, tendues, extrêmes, à la fin d'une action. Si l'agent Bordure à également les jambes qui flottent au-dessus du sol, sa position est très différente : il adopte un vrai comportement de coureur (genoux pliés, buste en avant) et le reste de son corps accompagne le mouvement (le buste, donc, et le poing dans la figure, bien sûr). Il a fini son mouvement. Il va passer à autre chose. Nous, lecteurs, avons envie de passer à la case suivante pour passer à une nouvelle action. Nous avons d’autant plus envie de lire cette prochaine case que la composition de la case penche vers la droite, vers la prochaine case.

Les gendarmes grecs, eux, ont des bras dont les mouvements sont beaucoup plus flottants, « pris en cours de route ». Même leurs ombres flottent, dans cette troisième case. Même les phylactères, au-dessus des personnages, tenant une conversation détachée. Le corps du bordure est comme une flèche, le corps des gendarmes grecs est une incertitude. Le Bordure pousse le lecteur dans la prochaine case, le Grec pousse le lecteur à compléter le mouvement de sa case. Son mouvement amène le lecteur à compléter, à imaginer tout ce que peut être son action. Le lecteur se met à animer les personnages, à les rendre vivant. Et c’est cette imagination du lecteur et cette vie des personnages qui les porte jusqu’à la case suivante.

Bien sûr, à certains moments, cette composition devient antinomique du sujet de la case. Quand les choses deviennent trop sérieuses, nos héros ne sont pas fous et ils laissent tomber la nonchalance pour une course bien plus efficace. A ce moment, les règles « classiques » de composition et de sens de lecture reprennent quelques peu leurs droits. Nous disons donc : positions tendues des personnages et déséquilibre introduit par la composition des cases ; de gauche à droite, toute !

Rien que du classique.

Comprenant la gravité de la situation, nos héros décident de passer la seconde et adoptent une position de coureur tel un vrai espion bordure. Les personnages dansent toujours un peu (leurs pieds ne touchent toujours pas le sol), mais les cases plus resserrées, les attitudes plus exagérées (le gendarme et son bâton prêt à s’abattre), la disparition des ombres ; tous ces éléments suppriment une partie du flottement des cases, de la nonchalance des personnages, de l’imagination du lecteur. Celui-ci peut continuer à rêver le mouvement des personnages, mais il est restreint et guidé par la composition. 

Deux David papotent composition et lignes de force.
L'un fait dans le centré, le stable, le complet ; l'autre fait dans le déséquilibre.
Chacun son truc.

Une fois le danger écarté, le flottement reprend petit à petit ses droits. Ou plutôt : une fois le flottement revenu, on comprend que le danger est écarté. Ou plutôt : de concert, l'un dans l'autre, l'un étant équivalent à l'autre, le danger s'éloigne en même temps que le flottement revient, progressivement.

Le danger s'éloigne, les ombres reviennent.

Dans la sixième case (la première de ce strip), le danger est encore partiellement là, l'ambiance reste donc aux lignes de force diagonales. Malgré tout, le danger s'éloigne, et notre héros peut à nouveau danser tel un petit marsupial.

La dernière case acte cet état de fait : des personnages allant contre le sens de lecture, le gendarme de droite en danseuse et en déséquilibre (Noureev, toujours), des ombres revenues : les gendarmes sont bien retombés dans leur semoule inoffensive.

Voilà qui fut bien laborieux pour montrer toute la palette de David Prudhomme... C'est bien compliqué quand un auteur est si doué. Il n'ignore pas les règles « classiques » et sait même s'en servir, à bon escient, et avec parcimonie. Seulement, pour créer des ambiances particulières, pour mieux refléter l'état d'esprit de ses héros, pour mieux émouvoir, ou au moins transmettre des idées à ses lecteurs et les faire participer à sa bande dessinée, il a défini une manière toute personnelle de faire SES bandes dessinées. Ce qui lui permet de raconter sans nul autre pareil des histoires à nulles autres pareilles. De rechercher et définir une identité, pour lui et chacun de ses livres.